01
Quel est le point de départ d'une peinture?
Ma démarche contient deux éléments primordiaux. D'abord, le processus est exploratoire. Je joue avec la matérialité du médium et du support. Il s’agit d’exploration en séries. Je débute souvent inspirée par une association de couleurs ou une composition m’ayant marquée et avec laquelle j’ai envie d’explorer, puis ensuite, s’amorce un dialogue où je réponds à ce que je vois. La peinture est appliquée et retirée, frottée, versée. Un jeu de texture où celle recherchée est peut-être ce que l’on aura dessiné pour ensuite effacer.
Parfois, je prends un ancien travail conservé sans attente et je le retravaille en le transfigurant totalement à partir d’un élément présent. J’ai tendance à assourdir les couleurs, les figures, comme pour perdre davantage les détails qui ne se sont pas encore perdus dans le processus d’élagage de la composition, dans ce processus où je construis et recouvre encore et encore. Ce qu’évoque le sketch m’interpelle, même s’il vient après des heures de travail. Le dessin voudra suggérer plutôt que de décrire avec précision. Seul les détails jugés essentiels auront le droit de persister.
02
Est-ce un processus exclusivement intuitif?
Non! En fait, bien que le début du processus de création soit intuitif, il poursuit un résultat précis : une atmosphère sobre mais poétique, à la limite entre le trop propre et le trop sali, exercice d’équilibre entre la douceur et le brut, entre le subtil et le grossier – j’aime le processus consistant à créer des marques en essayant de trouver la pression et l’angle de crayon ou de pinceau idéal afin de s’accorder avec la délicatesse et la qualité du rendu désiré. Je peux reprendre une peinture plusieurs fois si je n'arrive pas à trouver cet équilibre.
03
D'où vient l'inspiration?
Le quotidien de façon générale! Les actions du quotidien, les objets du quotidien, tout ce qui compose nos journées les plus routinières en fait. Aussi, je trouve une grande part de mon inspiration dans la beauté du fait-main, le rapiécé, puis dans les endroits, objets et tissus anciens. Je découvre une beauté particulièrement touchante dans le passé, les transitions, la rencontre entre le brut et le délicat, dans ce qui est incomplet ou usé.
04
La peinture abstraite côtoie le figuratif; les toiles de lin, le papier Arches puis le papier Kraft. Quels sont les éléments communs à toutes ces pièces?
Mon travail se reconnaît par l’utilisation de couleurs désaturées, délavées sinon neutres - de plus en plus terreuses - puis par son aspect organique et l’impression de calme qui en ressort malgré son côté parfois chaotique et brut. Parfois pointent des couleurs fluorescentes ou saturées. Les textures cohabitent, les marques de pinceaux sont visibles, les traits de crayons. Le résultat doit laisser voir le processus, l’histoire de l’œuvre. La pratique figurative permet de continuer à explorer les mêmes choses qu'à l'abstrait, mais c’est surtout ici que l’aspect narratif prend de l’importance. L’œuvre veut raconter. L’iconographie utilisée est choisie pour sa capacité à créer l’émotion ou son potentiel narratif – elle évoque les scènes domestiques, les objets et rituel du quotidien. La femme est présente, des natures mortes, des scènes évoquant les actions quotidiennes, la nature, une certaine mélancolie, la fatigue.
05
Quelles sont les conditions idéale pour se mettre au travail?
Si je préfère assurément avoir de longues périodes de temps disponibles, je dois reconnaitre qu'il est difficile de ne pas être dérangée avec des enfants! Je prends toutefois tous les moments disponibles. Si certaines choses m'inspirent, je ne crois pas qu'il faille attendre d'être particulièrement inspiré pour travailler. Je n'attends pas l'inspiration. L'inspiration apparait une fois sur deux lorsque je m'y mets. Le reste du temps, je considère que je suis en recherche et je me pratique à développer des techniques, à analyser le travail d'artistes, à réfléchir sur qui fait qu'une composition fonctionne. Ceci-dit, j'essaie de moins réfléchir et d'explorer davantage avec mes mains, c'est souvent là que les réponses viennent.